1970 De grandes ambitions pour le littoral
1970, nous sommes encore dans ce que l’on a appelé plus tard les « trente glorieuses ». La période qui va de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à 1974 est marquée par une prospérité économique et une forte croissance. En cette fin de décennie 60, l’optimisme est là et il autorise tous les possibles. L’Etat commande à l’OREAM (Organisme régional d’étude et d’aménagement d’aire métropolitaine) du Nord une étude prospective sur l’aménagement d’une région urbaine : le Nord Pas-de-Calais. Ce dossier sort au dernier trimestre de l’année 1970. Pour ce qui concerne le littoral entre Calais et Dunkerque, l’étude voit grand. Il s’agit d’élever le port de Dunkerque au niveau de Rotterdam. Rien de moins.
Pour cela, on compte sur les aménagements portuaires à venir et la mise en place d’un grand port maritime de Dunkerque à Calais. La première phase des projets est bien avancée. Il s’agit de la construction d’un nouvel avant port sur la commune de Loon-Plage, capable d’accueillir des navires de 300 000 t. Il sera finalisé en 1974. Pour la suite, le projet qui a la préférence est un port en eaux profondes au niveau du phare de Walde. Il devra être en mesure d’accueillir des navires de 500 000 t. Pas de date précise pour ce projet mais c’est l’horizon 2000 que l’on a en tête. Plus tard encore, c’est une île artificielle qui serait construite à 13 km au large sur le banc de sable Out Ruytingen.
Et Oye-Plage, le hameau des Ecardines et le platier dans tout ça ??? Et bien Oye-Plage est entourée de bassins à flots. Le hameau des Ecardines est plutôt rattaché au pôle Grand-Fort, Gravelines, Petit-Fort. Les rédacteurs de l’étude s’interrogent :« L’aménagement de cette petite section de côte pour les loisirs se prolonge dans le Pas-de-Calais, sur le territoire de Oye-Plage, par un projet de lotissement au bord de la mer (les Ecardines, extension de Grand-Fort-Philippe). Faut-il stopper ces projets pour conserver toute la surface disponible aux extensions portuaires, ou faut-il au contraire maintenir un assez large poumon autour de Gravelines ? » (p 131 du rapport),
Un peu plus loin, on recommande de mettre en place dans l’immédiat une mesure conservatrice « pour réserver les diverses solutions possibles : il faut limiter le périmètre d’urbanisme de Oye-Plage. »
Le 25 décembre 1970, le magazine Nord Industriel sort un supplément trimestriel consacré au port de Dunkerque. Il présente les ambitions pour le port dans les décennies à venir. Un plan du projet figure en double page centrale. Le 25 février 1971, c’est la Voix du Nord qui reprend le sujet. La carte publiée montre un schéma déjà bien avancé : deux pôles urbains autour de Calais et Dunkerque, une coulée verte sur l’Aa et à Gravelines, un port à l’est de Gravelines et un gigantesque bassin à l’ouest presque jusqu’à Calais. Une rocade littorale fait le lien entre les deux grandes villes et dessert les zones portuaires.
Ces articles ont l’effet d’une douche froide sur les acheteurs intéressés par un investissement aux écardines. En février, les représentants de la société anonyme « Les Ecardines » qui regroupe les promoteurs, s’en émeuvent et s’en plaignent au préfet. Dès lors, les candidats à l’achat de logements sur le secteur se font rares. Les promoteurs essaieront de ranimer leur projet jusqu’en 73 avant d’y renoncer. De toute manière l’état n’est plus disposé à autoriser des constructions à l’ouest de la première tranche ce qui rend de facto impossible la réalisation des 1000 logements prévus en 67. Et pour couronner le tout, la nouvelle municipalité élue en 71 à Oye-Plage préfère prioriser l’urbanisation du centre du village.
Le projet d’agrandissement du hameau des Ecardines à un millier d’habitations comme prévu initialement semble dès lors compromis. Le hameau se limitera aux 153 parcelles initiales.
La suite de l’histoire est connue. La conjoncture internationale met tout le monde d’accord. Fin 1974, à l’issue de la guerre du Kippour entre les pays arabes et Israël, l’économie mondiale vit son 1er choc pétrolier. Le prix du brut est multiplié par 4 et la période de croissance euphorique que nous avions connue depuis l’après guerre touche brutalement à sa fin. Les projets d’avant port de Walde et d’îlot artificiel tombent dans l’oubli.
Pour autant aujourd’hui la rocade littorale est bien là. Elle est devenue l’A16. Le tunnel sous la Manche évoqué dans le dossier de l’OREAM a bien été réalisé. Le port ouest de Dunkerque vient à peine de mettre en place un projet d’agrandissement plus modeste.
Sources :
- Rapport Schéma régional d’aménagement d’une région urbaine : le Nord Pas-de-Calais
- Magazine Nord Industriel, supplément trimestriel : le Port de Dunkerque, 25 décembre 1970, n°52
- Voix du Nord du Jeudi 25 février 1971
- Archives de Dunkerque – Centre de la Mémoire Urbaine d’Agglomération
- Archives départementales du Pas-de-Calais